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Sur l'axe du mètre

1 800 km à pied de Dunkerque à Barcelone


        Au lendemain de la Révolution française, il existait environ 250 000 unités de poids et de longueur : le pied, le poing, le pouce, la coudée, la ligne… Certaines différaient même d’une province à l’autre, souvent pour accommoder les intérêts des seigneurs locaux. La plupart des « cahiers de doléances » de l’époque demandaient l’établissement d’une unité de mesure unique. Et finalement, en 1792, deux scientifiques de renom, Pierre Méchain et Jean-Baptiste Delambre astronomes et mathématiciens, furent chargés par le gouvernement révolutionnaire français (Convention Nationale) fraîchement élu d’établir un système de mesures universel, valable « pour tous les temps et pour tous les peuples » qui n’ait plus pour modèle l’homme (pouces, pieds, coudées…) mais le seul vrai patrimoine commun de l’humanité : la Terre. Par la volonté de Louis XVI, cette unité de longueur sera la dix-millionième partie du quart du méridien terrestre et on l’appellera le mètre. Les scientifiques optèrent pour la mesure réelle d'une partie de ce méridien, celle comprise entre Dunkerque et Barcelone… Avant de partir, les autorités leur rappellent qu’ils ont « à remplir la mission la plus importante dont homme n’ait jamais été chargé, que c’est pour toutes les nations qu’ils travaillent et qu’ils sont les représentants de l’Académie des sciences et des savants de tout l’univers ».
L'histoire humaine est incroyable puisqu'elle se déroule au cours d'une période particulièrement agitée: le roi est décapité, le régime de terreur se met en place, les guerres se succèdent...
L'histoire scientifique est passionnante. Les mesures se font par triangulation avec le cercle répétiteur de Borda : le canevas des triangles est complexe et le choix des stations est stratégique.
        Au mois de Mai, je pars sur les traces des astronomes Méchain et Delambre. Je vais suivre le méridien de Dunkerque à Barcelone, le long de l'axe du mètre. Le méridien est une ligne imaginaire, il n’est pas balisé, ce n’est pas l’autoroute piétonne de Compostelle, il se rit des obstacles, de nombreuses voies de communication le franchissent, chacun peut choisir son itinéraire (1). Le mien est un passage dans l’incognito, à l’écart des grandes voies, au plus près de la ligne : 1 800 km à travers les villes et les villages, les plaines et les plateaux, les forêts et les montagnes...