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On les croyait éternels

Les derniers sanctuaires de glace


        Dans les Alpes, il n’y a pas si longtemps, l’horizon était un océan de pics acérés et de puissants sommets coiffés de neige. À leurs pieds, scintillaient de grands glaciers. Ces immenses étendues blanches attiraient, fascinaient et hypnotisaient les touristes qui les photographiaient après les avoir longuement observées depuis des belvédères facilement accessibles mais aussi les alpinistes, le nez en pelure d’oignon et le visage mangé de barbes, qui les traversaient après avoir réalisé l’ascension technique d’un sommet parmi « l’armée cristalline de flèches et d’arêtes de glace qui cisaillaient à grands coups de tranchant le bleu du ciel ». Les glaciers étaient des éléments incontournables du décor alpin et on les croyait éternels. Certes, on savait qu’ils étaient en recul depuis le milieu du XIXe siècle, qu’ils perdaient chaque année un peu plus de leur masse et de leur volume. Mais, on n’imaginait pas leur disparition. On ne voulait pas croire que ces monuments allaient se liquéfier dans les torrents. Pourtant, d'année en année, force est de constater que les hivers ne sont pas assez neigeux pour les nourrir et que les étés sont bien trop chauds pour les protéger. Alors ils gémissent, ils craquent et parfois même ils grondent lorsque de gros blocs s’en détachent. Inexorablement, ils reculent et fondent… jusqu’au jour où ils ne sauront plus là. Et ce jour-là, nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas.
« On les croyait éternels » pourrait être le nom de la traversée que je vais réaliser à pied entre Vallouise et Chamonix, du glacier Blanc à la mer de glace en passant au plus-près de tous ces monuments alpins en sursis. Plus qu’une traversée, c’est un pèlerinage historique et sentimental vers les derniers sanctuaires de glace.