Partie 1 : le voyage coloré
À l’entrée de la Quebrada de Humahuaca « donde Argentina habla con el cielo », le petit village de Purmamarca qui signifie « région désertique » en langue quechua se trouve au pied d’une curiosité géologique naturelle, le Cerro de los Siete Colores, la « montagne aux sept couleurs » : au fur et à mesure que le soleil s’élève dans le ciel, il embrase cette montagne d’une lumière joyeuse et celle-ci, tel un prisme, fait ressortir une à une toutes ses couleurs avec toutes les nuances de jaune, d’orange, de rouge, de violet. À quelques kilomètres de là, le village de Maimará abrite la vallée des peintres : cette formation géologique étonnante dessine de grandes plaques rocheuses, aux reflets rouges, ocre, vert-de-gris ou ardoise, alignées les unes à côté des autres, telles des dizaines de palettes que des peintres colossaux auraient déposées sur le flanc de la montagne, accomplissant ainsi un merveilleux tableau.
Ces deux villages se trouvent dans le Nord-Ouest argentin, ou NOA, une terre de contrastes avec des sommets enneigés, des collines arides couvertes de cactus, des déserts de terre rouge ou encore des vallées fertiles à la végétation luxuriante. On y trouve des formations rocheuses exceptionnelles et une kyrielle de villages et de petits hameaux où le temps semble s’être arrêté : Cachi, perché à 2 280 mètres, a conservé son authenticité coloniale, ses maisons basses, ses rues pavées et son calme grâce à son isolement ; San Carlos et ses maisons en adobe est la porte d’entrée de la Quebrada de las Flechas (« vallée des flèches ») où l’eau et le vent ont sculpté, siècle après siècle, des pinacles et des colonnes étranges qui montent vers le ciel ; Cafayate, à 1 600 mètres d’altitude, est une oasis de tranquillité entourée de vignobles qui assurent une production vinicole de qualité ; la Quebrada de las Conchas est une véritable œuvre d’art de Dame Nature où les montagnes rivalisent de beauté tant leurs formes et leurs couleurs sont surréalistes ; Tafí del Valle est une petite station de villégiature assez réputée avec ses torrents, ses immenses prairies verdoyantes en été et ses troupeaux de vaches surveillés par des gauchos, à la fois pauvres cow-boys solitaires et vachers ; Amaicha del Valle jouit d’un climat exceptionnel avec 360 jours de soleil par an et possède un musée original qui retrace la vie des Indiens des vallées Calchaquíes ; Quilmes est une imposante cité indienne en ruines qui date de la période pré-inca : elle réussit à tenir tête aux Espagnols pendant plus de 60 ans avant de rendre les armes en 1665 ; la Quebrada de Humahuaca, et ses nombreuses formations rocheuses ultra-colorées, est une vallée que les Incas venant du Pérou empruntèrent pour aller conquérir les Andes ; Casabindo est un village isolé de la Puna où se déroule le 15 août la corrida « pacifique » de la Vincha, la seule corrida du pays : le taureau porte un tissu rouge où brillent des pièces d’argent destinées à celui qui parviendra à le dominer à la force des bras ; enfin, San Antonio de los Cobres desservi par le « Train des nuages » est le passage obligé pour entreprendre les ascensions des hauts volcans isolés de la Puna qui se comptent par dizaines.
J’ai vécu pendant deux ans dans cette région… Elle fait incontestablement partie de ces rares contrées lointaines qui possèdent un charme particulier, presque envoûtant : j’y retournerai en 2025 pour revoir ses décors spectaculaires, retrouver mes ami(e)s et préparer mon séjour en altitude.
Partie 2 : l’odyssée blanche
Je vais quitter Belén à pied, avec quarante kilos de bagages, pour m’enfoncer dans le désert d’altitude de la Puna argentine, au cœur de la cordillère des Andes. Une idée en tête : traverser les grandes salines par mes propres moyens. Ce sont plus de 1 000 km, entre 3 500 et 4 800 m d’altitude, à travers les plus grands déserts de sel du monde : salar d’Antofalla, salar del Hombre Muerte, salar de Arizaro... L’inclémence des lieux a eu raison des arbres, le ciel paraît une toile peinte, le soleil est brûlant, le froid est piquant. Peu d’hommes, des vigognes par centaines et des colonies de milliers de flamants roses. Rien que de la pierre, le sable, le vent, le sel. Un voyage extra-terrestre, une escapade sur la planète Catamarca…