Balade dans le désert d'Atacama
Le désert d'Atacama qui s'étend sur 1000 km de la côte Pacifique, du nord du Chili jusqu’à la frontière avec le Pérou et la Bolivie, est exceptionnel à bien des égards.
Ici, l'exceptionnel est dans les paysages autour de San Pedro de Atacama, véritable oasis enchantée entourée par la cordillère de Sel, les vallées de la Lune et de la Mort, les geysers del Tatio et le grand geyser Blanc, la vallée Arcoíris ou vallée de l’Arc-en-ciel, le Pukará de Quitor, fortification atacaméenne du XIIeme siècle, les lagunes Cejar, Tebinquiche et Ojos del Salar, les déserts de sel d’Atacama et de Talar avec ses Piedras Rojas, les lagunes Miscanti et Miñiques, la lagune Chaxa et ses flamants roses...
Ici, l’exceptionnel est dans les précipitations si faibles qu’elles font de cette région le désert le plus aride au monde. D’après le Petit Larousse, un désert est une région du globe caractérisée par une pluviométrie inférieure à 200 millimètres et souvent même à 100 millimètres par an et où la densité de population est très faible en raison des conditions du climat (aridité, froid). Il existe des déserts tempérés (Mongolie), froids (Antarctique), chauds (Sahara). Dans le Sahara, on relève en moyenne 25 millimètres par an de précipitations et seulement 0,1 millimètre dans l’Atacama! L’eau est donc extrêmement rare dans ce désert au ciel incroya-bleu. Bleu sauf dans certaines zones où une épaisse couche de nuages appelée camanchaca empêche le passage des photons. Ce brouillard, c’est l’envers de la lumière et personne ne l’aime. Pourtant, ici, c’est une véritable aubaine. Grâce à lui, le désert étanche sa soif. Des filets de polypropylène de plusieurs mètres carrés, capte la manne providentielle. De cette rencontre, naissent des gouttes d’eau qui, coincées dans les mailles de « l’attrape-brouillard » sont récupérées dans des récipients : en moyenne, sept litres d’eau par jour et par mètre carré de filet. Pour être consommée, cette eau doit être traitée afin d’éliminer les éventuels minéraux et bactéries qu’elle pourrait contenir...
Ici, l’exceptionnel est même dans les gênes des habitants. Les populations de certaines zones ont été jusqu’à s’adapter à la consommation d’arsenic(1)! Certaines sources d’eau – les plus facilement accessibles – contiennent un microgramme par litre d’arsenic (élément provenant des roches volcaniques), soit cent fois plus que la quantité préconisée par l’Organisation Mondiale de la Santé. L’eau devient alors poison mortel. Pourtant, depuis 7 000 ans, les populations ont survécu à sa consommation. Leurs secrets : une modification génétique (gêne AS3MT sur le chromosome 10) de leurs organismes. « Les scientifiques établissent un parallèle entre la tolérance à l’arsenic et celle au lactose : une mutation au niveau de l’enzyme lactase, servant à digérer le lait, est elle aussi apparue, il y 7 000 ans, accompagnant l’élevage laitier.»(2)
Ici, l’exceptionnel est aussi bien entendu dans le vent et le soleil qui règnent en maître sur les immensités désertiques. Le souffle du vent et l’irradiation du soleil attirent les producteurs d’énergie verte. En 2016, EDF y a ouvert la plus puissante centrale solaire « Boléro » mise en service à ce jour. « Codétenue à parts égales par EDF Énergies Nouvelles et Marubeni, son partenaire japonais, « Boléro », dotée d’une puissance installée de 146 mégawatts, est capable d’alimenter annuellement en électricité 191 000 foyers chiliens et évite l’émission dans l’atmosphère de 380 000 tonnes de CO2.»(3)
Ici, l’exceptionnel continue même lorsque le vent s’estompe et que le soleil disparaît. La nuit révèle des champs d’étoiles dont la beauté a attiré les astronomes du monde entier : « 90% des nuits y sont qualifiées de « photométriques », sans le moindre petit cirrus pour jouer les trouble-fêtes.» écrit Yann Verdo dans son article « Astronomie : les merveilleuses machines d’Atacama.»(4) Il précise que c’est au sommet du mont Paranal, à 2 600 m d’altitude, que se dressent les quatre dômes des télescopes géants qui forment le Very Large Telescope (ou VTL), « des monstres d’acier et de verre, dotés chacun d’un miroir principal de vingt-trois tonnes, mesurant près de huit mètres de diamètre et capable de discerner des objets quatre milliards de fois moins lumineux que les plus faibles perçus par l’œil humain. À ces quatre télescopes principaux s’adjoignent quatre appareils auxiliaires plus petits qui combinent leurs signaux selon un procédé appelé interférométrie, faisant d’eux un cinquième télescope géant (...) doté d’un pouvoir de résolution encore supérieur aux quatre autres. On pourrait théoriquement distinguer un astronaute gambadant sur la Lune ! » Un autre site exceptionnel est situé près de San Pedro de Atacama sur le plateau de Chajnantor, à près de 5 000 m d’altitude, « à mi-chemin de l’espace, dans la mesure où 50% de la masse de l’atmosphère est sous vos pieds ». « Soixante-six antennes géantes, de sept à douze mètres de diamètre, qui forment le radiotélescope Alma. Contrairement aux télescopes optiques du mont Paranal, Alma n’observe pas en lumière visible, mais dans une autre fenêtre du spectre électromagnétique, intercalé entre l’infrarouge et le rayonnement micro-ondes : les ondes dites millimétriques et submillimétriques. Or ces ondes se font très vite absorber par les molécules d’eau présentes sous forme de vapeur dans l’atmosphère : moins il y a d’atmosphère à traverser, meilleur est le signal capté par les antennes paraboliques ». Le site est donc idéal. Télescopes optiques et radiotélescopes de l’Atacama scrutent quasi en permanence le ciel et les confins de l’univers tandis qu’à leurs pieds, des robots analysent le sol, car avec ses cailloux, son sable et sa sécheresse extrême, c’est l’endroit sur Terre sans doute le plus proche des conditions existant sur Mars ! « Des conditions d'extrême sécheresse ont perduré dans le désert d'Atacama pendant au moins dix à quinze millions d'années, peut-être même beaucoup plus. Si l'on ajoute à cela les radiations d'ultra-violets du soleil, intenses et sur une longue période, cela veut dire que le peu de vie existant à Atacama est sous la forme de microbes vivant sous ou dans les roches », explique la Nasa dans un communiqué. « De la même manière, si la vie existe ou a existé un jour sur Mars, la sécheresse de la superficie de la planète et l'exposition à une intense radiation l'ont probablement enfouie sous terre, donc Atacama est un bon endroit pour s'entraîner à chercher de la vie sur Mars. » Ici, la Nasa et l’Agence Spatiale Européenne testent donc des robots qu’ils enverront sur la planète rouge à 225 millions de kilomètres de la Terre pour tenter d’y déceler des traces de vie, présentes ou passées.
Le désert d’Atacama est bien un désert à part – un désert martien, diront certains – un désert d’une autre planète...
(1) La toxicité de l’arsenic dépend de son degré d’oxydation et surtout de sa nature chimique. L'arsenic inorganique (sous sa forme pure ou lié à l’oxygène, au chlore ou au soufre) est très dangereux, même à faible dose, surtout en cas d’exposition répétée. L'arsenic organique (lié au carbone ou à l'hydrogène) moins toxique, l’est quand-même à forte dose. Par contre, à faible dose (10 et 20 µg par jour), c'est un « ultra oligo-élément » essentiel pour l’être humain et d’autres animaux comme le cochon, le poulet… d’où la célèbre phrase du médecin et philosophe suisse, Paracelse sur les poisons: « Toutes les choses sont poison, et rien n’est sans poison ; seule la dose détermine ce qui n’est pas un poison. » Il s’était aperçu que le mercure soignait la syphilis lorsqu’il était correctement dosé mais qu’il pouvait aussi tuer un patient en cas de mauvais dosage. Ce médecin atypique, dépourvu de tout bien, seul, souvent rejeté, allait de ville en ville pour acquérir un maximum d’expériences auprès des patients. Il disait qu’il « préférait les sentiers et les routes aux universités où l'on n'apprenait rien ».
(2)https://www.sciencesetavenir.fr/sante/comment-les-populations-du-desert-d-atacama-se-sont-adaptees-a-l-arsenic_110979
(3)https://www.edf-renouvelables.com/project/bolero/
(4)https://m.lesechos.fr/week-end/astronomie-les-merveilleuses-machines-d-atacama-030505308882.php