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Gerard Caussimont


L’Ours brun a un avenir dans les Pyrénées


        L’Ours brun en tant qu’être vivant a droit à la vie. C’est un animal extrêmement bien adapté aux milieux qu’il fréquente. En tant qu’animal omnivore, à dominante végétarienne et insectivore, il exploite les milieux les plus variés, les plus riches de la montagne pyrénéenne, à chaque saison.


Grâce à son flair, à sa force, à ses outils, à sa mémoire, il sait où, quand et comment accéder à la nourriture dont il a besoin, à chaque saison. Il ne lui faut que de la tranquillité pour tirer profit de chaque source de nourriture disponible. Ce prodige d’adaptation est capable de fabriquer avec de la neige et des branches un congélateur, au printemps, afin d’y conserver un cadavre d’isard qu’il a repéré au bas d’un couloir d’avalanche. Il pourra revenir finir de consommer la charogne quelques jours plus tard. Il est également capable de trouver des réserves inexploitées d’une nourriture qui n’est pas encore disponible dans la nature, emmagasinée par des campagnols pour passer l’hiver. Il creuse leurs greniers pouvant contenir jusqu’à 500 grammes de tubercules de muguette, plus nutritive que la pomme de terre. Ou bien, il passe des dizaines de fois à proximité d’une fourmilière en cône sans la toucher jusqu’au moment où, avec la montée des températures, les fourmis auront placé les œufs et les larves dans le haut de la fourmilière pour les réchauffer. Alors il s’en régale, puis parfois, se roule dans la fourmilière afin de se déparasiter, grâce à l’acide formique.
Les ours apprennent tout cela de leur mère au cours de leur première année de vie. Elle accompagne les jeunes dans les parties de son domaine qui, à chaque saison, recèlent les meilleures sources de nourriture, au moindre effort et avec le plus de sécurité vis à vis des gros ours mâles et des hommes. Cet accompagnement influe grandement le comportement futur de l’ours devenu subadulte, puis adulte.
Comme, au fil des saisons, il a besoin de tous les étages de la montagne pyrénéenne, depuis les fonds des vallées jusqu’aux cols et aux pâturages d’altitude, l’ours résume à lui seul les besoins en nourriture, en refuge et en tranquillité de l’ensemble de la faune pyrénéenne. On dit que c’est une espèce « parapluie ». Protéger la tranquillité de ses habitats notamment forestiers et supra forestiers mais aussi des rivages de torrents ou des quartiers de granges, au printemps, c’est assurer à d’autres espèces la possibilité de réaliser leur cycle biologique dans de bonnes conditions.



        En France, dans les Pyrénées, en tant qu’habitants de cette portion de planète riche et diversifiée, nous avons le devoir de sauver et de conserver un ours entièrement sauvage pour transmettre aux générations futures ce fleuron de la biodiversité qui nous aide aussi à protéger les milieux de vie d’espèces moins prestigieuses pour lesquels les pouvoirs publics, les décideurs et l’opinion feraient moins d’efforts car moins emblématiques.
Pour pouvoir conserver l’Ours brun, nous avons besoin de développer les qualités humaines qui nous rendrons capables de rechercher avec les habitants et les usagers de la montagne, les solutions qui permettront de vivre avec cette espèce. Cela aidera aussi à conserver dans un bon état cette biodiversité ordinaire ou plus exceptionnelle que constituent une prairie, un bosquet, une forêt, un pâturage, une zone rocheuse, parties indissociables de l’écosystème pyrénéen.
Rechercher entre êtres humains des solutions pour faire cohabiter l’ours et le berger et conserver et restaurer les populations d’ours bruns est un challenge qui fait partie de la conservation de la planète. L’être humain ne pourra survivre sur terre s’il continue d’exploiter de façon irraisonnée ses ressources à son seul profit sans laisser de place à la vie sauvage et sans se préoccuper de la planète qu’il va laisser à sa propre descendance.


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L'Ours brun@MaxPPP-Philippe Clément


        Aujourd’hui, l’Ours brun a désormais la possibilité d’un avenir en France. La restauration des effectifs, grâce aux réintroductions dans les Pyrénées centrales et aux renforcements dans les Pyrénées occidentales, ont permis de passer d’une demi-douzaine d’ours en 1995 à 70 ours en 2021.
Ce renversement de tendance a nécessité des efforts immenses de la part des associations de protection de la nature et de certains fonctionnaires ainsi que la lucidité et la conviction de certains élus, face à une ligne de conduite louvoyante et peu affirmée de l’état français.
La mise en place par les pionniers du milieu associatif, avec l’aide financière de l’état ou de partenaires privés, des premières mesures d’accompagnement pour les éleveurs et les bergers, victimes occasionnelles des dommages de l’ours au bétail, ont enclenché le cercle vertueux de la cohabitation. C’est ainsi que, d’abord dans les Pyrénées occidentales, les héliportages, les liaisons radios, les aides au gardiennage, l’indemnisation du dérangement en cas d’attaque au troupeau, la valorisation du fromage avec l’empreinte de l’ours, ont contribué à l’acceptation de l’espèce en permettant à deux générations de bergers-éleveurs de mieux vivre l’été en montagne et de continuer à produire du fromage de qualité.
Néanmoins dans une partie des Pyrénées centrales, les postures politiques et syndicales de certains leaders rendent encore difficile l’acceptation de l’espèce par une partie des éleveurs d’ovins viande qui, sous leur influence, refusent les mesures d’accompagnement pour ne pas laisser croire qu’ils acceptent l’ours.
        Conserver l’ours est une obligation légale pour la France, en tant qu’espèce protégée, qu’espèce prioritaire, selon la « Directive habitats » européenne, selon la Convention de Berne et par respect à la Charte de l’environnement ajoutée à la Constitution en 2005.
Pour y parvenir, l’état doit respecter le Plan d’actions ours brun (2018-2028) qu’il a promulgué et mettre en œuvre la totalité des actions prévues et pas seulement celles destinées à l’élevage. Sans une ligne de conduite claire de l’état, sans une évaluation du Plan, bientôt à mi-parcours, et sans une réorientation des mesures issue de cette évaluation, il sera difficile d’asseoir une population sauvage viable d’ours bruns dans les Pyrénées.



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Pourquoi la réintroduction de l'ours est-elle si difficile?, de Gérard Caussimont


Résumé

L'ours, animal emblématique des Pyrénées, est sujet à nombreuses controverses. Mise au point et explications sur le difficile retour de l'ours dans le paysage pyrénéen.
132 p. ; 14 x 22 cm ; broché.

Editeur

Editions Monhélios Commander